Loi indienne sur la concurrence : l’Indian Competition Act
Ce qu’il faut savoir en cas de fusion ou acquisition



L’Autorité indienne de la concurrence est réputée pour sa sévérité, parmi les plus strictes au monde. Même de grandes entreprises internationales comme Google ou Monsanto ont été lourdement sanctionnées pour avoir enfreint l’Indian Competition Act. Toute société étrangère qui souhaite s’implanter en Inde via une fusion ou une acquisition doit se conformer à la loi indienne sur la concurrence, sous peine de conséquences importantes. Dans cet article, découvrez ce que cela implique pour les entreprises étrangères.
Loi indienne sur la concurrence : l’Indian Competition Act
L’objectif du droit de la concurrence est de garantir le bon fonctionnement du système de marché libre. L’idée sous-jacente est qu’une concurrence loyale pousse les entreprises à proposer des produits et services de meilleure qualité à des prix plus bas, au bénéfice des consommateurs. Elle constitue aussi un moteur d’innovation, car chaque entreprise est incitée à développer sa propre stratégie de manière indépendante.
Pour atteindre cet objectif, l’Indian Competition Act, la loi indienne sur la concurrence, interdit tout accord mutuellement avantageux entre entreprises qui aurait pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence, ainsi que toute exploitation abusive d’une position dominante.
Ainsi, la loi indienne sur la concurrence, telle qu’énoncée dans le Competition Act, 2002, encadre les activités économiques susceptibles de créer une situation de monopole sur le marché. Elle prohibe notamment les accords commerciaux susceptibles de générer une interconnexion excessive dans la chaîne d’approvisionnement, de distribution, de stockage, d’acquisition ou de contrôle de biens et de services.
Le texte identifie trois grands domaines de comportements potentiellement anticoncurrentiels :
- Accords anticoncurrentiels : tout accord ayant ou pouvant avoir un effet sensible défavorable sur la concurrence. L’accord n’a pas besoin d’être formel ou écrit ; il peut être déduit des circonstances.
- Abus de position dominante : la position dominante en elle-même n’est pas interdite, mais son abus l’est (manipulation des prix, pratiques d’exclusion ou d’exploitation). Une entreprise est considérée comme dominante si elle peut influencer ses concurrents ou ses consommateurs à son avantage. L’Indian Competition Act interdit ainsi de manipuler l’offre, de contrôler les prix d’achat ou d’adopter des pratiques qui bloquent l’accès au marché d’autres sociétés.
- Fusions et acquisitions : les concentrations qui ont ou pourraient avoir un effet défavorable notable sur la concurrence sont interdites. La loi prévoit aussi une obligation de notification préalable pour les transactions dépassant certains seuils financiers (voir ci-dessous).
Competition Commission of India (CCI)
La Competition Commission of India (CCI), autorité statutaire créée par le Competition Act au sein du gouvernement indien, est chargée de l’application de la loi indienne sur la concurrence. La CCI a le pouvoir d’adresser des notifications aux entreprises qui exportent ou vendent en Inde si elle estime que leurs activités peuvent nuire à la concurrence sur le marché indien.
Les opérations de concentration dépassant certains seuils financiers — calculés sur la base des actifs ou du chiffre d’affaires des parties (ou des groupes auxquels elles appartiennent) — doivent obligatoirement être notifiées à la CCI et obtenir son approbation préalable.
Seuils financiers
Une « combinaison » (combination) désigne l’acquisition d’une ou plusieurs entreprises par une ou plusieurs personnes, ou encore la fusion ou l’absorption d’entreprises, dès lors que les seuils financiers prescrits sont atteints. Cela inclut notamment :
- Toute acquisition de contrôle, d’actions, de droits de vote ou d’actifs d’une entreprise ;
- Toute prise de contrôle d’une entreprise par une personne qui détient déjà, directement ou indirectement, le contrôle d’une autre entreprise exerçant une activité similaire ;
- Toute fusion ou absorption d’entreprises.
Procédure devant la CCI
Avant qu’une entreprise puisse effectivement fusionner ou acquérir une autre société en Inde, elle doit obtenir l’approbation de la CCI dans les 30 jours suivant la présentation d’une proposition de fusion ou d’acquisition. En cas de fusion, les deux parties doivent demander conjointement l’approbation de la CCI. En cas d’acquisition, c’est à l’acquéreur qu’incombe la responsabilité d’obtenir cette approbation.
Cependant, il en va autrement dans le cas d’une prise de contrôle hostile. La partie acquéreuse n’est alors tenue de fournir à la CCI que les informations dont elle dispose. La CCI peut ensuite, si nécessaire, demander à d’autres parties intéressées de fournir des informations complémentaires.
Les entreprises peuvent utiliser le portail en ligne de la CCI pour déposer les documents requis. La CCI propose également un dispositif de consultations préalables en cas de doute. Toutefois, les avis rendus dans ce cadre ne sont pas contraignants et ne reflètent pas nécessairement la position finale de la CCI.
L’évaluation de la CCI visant à déterminer si l’opération est susceptible d’entraîner, ou a déjà entraîné, des effets défavorables notables sur la concurrence en Inde comporte deux étapes :
- (i) la CCI doit former une opinion prima facie dans les 30 jours suivant la réception de la notification ; et si cette opinion confirme qu’il existe probablement un effet défavorable notable sur la concurrence en Inde,
• (ii) dans les 180 jours suivants, la CCI procède à une enquête approfondie, qui peut inclure la saisine du Directeur général pour l’établissement d’un rapport, la demande d’informations détaillées aux parties, l’invitation à formuler des observations écrites de la part des acteurs concernés et la possibilité pour ces derniers d’être entendus.
La CCI peut ensuite soit (i) décider d’approuver l’opération, soit (ii), si elle constate un effet défavorable notable sur la concurrence, ordonner (a) que la combinaison ne soit pas mise en œuvre, ou (b) proposer des amendements pour modifier la structure de l’opération.
Non-respect de l’Indian Competition Act
Les enquêtes menées au titre de l’Indian Competition Act peuvent débuter soit à la suite d’une plainte, soit à l’initiative propre de la CCI. Lorsqu’une entreprise est reconnue coupable d’avoir enfreint la loi, la CCI peut infliger une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires moyen des trois années précédentes. Dans le cas d’accords de cartel, cette sanction peut dépasser 10 % et aller jusqu’à trois fois les bénéfices réalisés pendant toute la durée de l’entente.
À titre d’exemple, la CCI a infligé une amende de 20 millions de dollars à Google pour avoir enfreint la législation sur la concurrence en abusant de sa position dominante. Cela illustre clairement pourquoi les entreprises internationales présentes en Inde doivent se conformer aux lois locales en matière de concurrence et être conscientes des conséquences d’un manquement.
La CCI peut également sanctionner une société qui refuse de coopérer dans le cadre d’une enquête en cours. Ce fut le cas pour Monsanto, poursuivie pour violation des règles de concurrence : la Commission a imposé une amende de 300 000 dollars à Monsanto et à trois de ses filiales pour avoir prétendument refusé de coopérer à l’enquête visant ses dirigeants.
Le droit de la concurrence exerce une forte influence sur la manière de faire des affaires en Inde. Toute entreprise étrangère souhaitant entrer sur ce marché via une fusion ou une acquisition doit respecter ces règles. Les amendes infligées par la CCI comptent parmi les plus élevées au monde.
La CCI n’a cependant pas le dernier mot : les entreprises peuvent toujours faire appel devant le National Company Law Appellate Tribunal (NCLAT).