Ga naar hoofdinhoud

Automobile : 5 clés pour conquérir le marché indien selon Sudhir Rao

Deepmala Datta Head of Business Development
Praveen Singhal Country Head India
Guide de production en Inde pour les entreprises étrangères
Télécharger le guide
Partager cet article

Sudhir Rao figure parmi les plus brillants PDG de l’industrie automobile indienne. Alors que les géants occidentaux de l’automobile, tels que GM et Harley Davidson, quittaient l’Inde les uns après les autres, Rao a réussi à lui seul à sortir les grandes marques automobiles européennes Renault et Škoda de leurs difficultés financières et à les rendre rentables. Il nous explique les 5 principaux facteurs de réussite en Inde.

Sudhir-Rao-Skoda-India-Former-MD.jpg

Les constructeurs automobiles américains et européens peinent à s’implanter en Inde. Les leaders mondiaux du marché tels que GM, Volkswagen et Ford occupent une place modeste en Inde, avec une part de marché comprise de 1 à 4 %. En revanche, leurs concurrents japonais et coréens dominent le marché. Selon Sudhir Rao, cette situation tient à deux facteurs. « Grâce à leur expérience dans leur pays d’origine, les entreprises asiatiques s’adaptent mieux aux besoins des consommateurs asiatiques. Les entreprises coréennes et japonaises accordent plus d’attention aux détails, consacrent énormément de temps et d’énergie à résoudre les moindres problèmes et font preuve d’une réelle volonté, presque d’une faim de réussir », soutient le dirigeant. « Les constructeurs automobiles occidentaux, en revanche, semblent douter de manière chronique de leur capacité à réussir en Inde sans partenaire local. Ces dernières années, ils ont été nombreux à se lancer dans des coentreprises qui ont finalement échoué, alors qu’ils auraient pu s’en sortir très bien tout seuls. Du moins, s’ils avaient géré leurs filiales d’une manière plus adaptée au contexte local. »

1. Une coentreprise n’est pas toujours la meilleure solution pour pénétrer le marché indien

L’entreprise française Renault, que Rao a dirigée pendant trois ans, fait partie des sociétés européennes à avoir cherché un partenaire pour s’implanter en Inde. En 2007, Renault a conclu un partenariat avec Mahindra et a lancé sa première voiture, la berline de taille moyenne « Logan ». Bien que fiable, la Logan n’a pas réussi à séduire les consommateurs indiens par son apparence un peu vieillotte et n’a pas atteint les chiffres de vente escomptés par Renault.

« Lorsque j’ai rejoint Renault Inde, la structure de l’entreprise était terriblement compliquée. Outre la coentreprise avec Mahindra, le constructeur exploitait également ses propres sociétés de l’alliance Renault-Nissan et envisageait de créer une deuxième coentreprise avec un autre partenaire », poursuit Rao. Lorsqu’ils m’ont demandé ce que je pensais de leurs activités en Inde, j’ai répondu honnêtement : « Vous êtes une grande et brillante entreprise qui souffre d’un complexe d’infériorité injustifié. Votre technologie est très performante et vous fabriquez d’excellentes voitures. Pourquoi ne tentez-vous pas de concourir sur le marché indien sans un partenaire local ? »

2. Ne vous contentez pas de vendre. Fabriquez vos voitures en Inde.

Renault s’est rapidement rendu compte de sa capacité à voler de ses propres ailes. La coentreprise a été dissoute en 2010 et la société s’est immédiatement lancée dans une vaste réorganisation. « La première étape a consisté à rassembler toutes les divisions à Chennai, y compris la production. Disposer de son propre site de production est peut-être la règle numéro un pour réussir en Inde », explique le dirigeant.

« Cela permet d’accélérer les délais et de répondre immédiatement aux évolutions du marché. Tout votre savoir-faire est centralisé, ce qui vous permet de gérer plus efficacement tous ces éléments et d’apporter plus facilement des modifications à votre ingénierie, les matériaux ou la conception. »

Tel était précisément le problème auquel Renault devait s’attaquer rapidement en Inde. Après l’échec de la Logan, il fallait un nouveau modèle plus adapté aux besoins du consommateur indien.

« Après de longues recherches, nous avons conclu que le Duster était la voiture idéale pour relancer Renault sur le marché indien, moyennant quelques modifications nécessaires », explique-t-il. Le succès de la marque reposait notamment sur la présence en Inde de Gérard Detourbet, l’homme qui a dirigé le développement mondial de la Logan et du Duster. Cependant, il ne fallait plus qu’un bon produit. Le Duster ne pouvait pas être un succès tant qu’il n’était pas vendu en dehors de grandes villes. Nous avons donc créé en peu de temps un nouveau réseau de concessionnaires couvrant l’ensemble du territoire national. »

Le Duster a connu un succès fulgurant et, quelques mois après son lancement, Renault a triplé la production du véhicule. « Dans le contexte du lancement, vous voyez à quel point il est important de pouvoir ajuster immédiatement votre production à la demande », explique l’ancien PDG. « Cette flexibilité n’est possible que si vous produisez sur place. Et, il y a bien d’autres avantages. Les fabricants de produits de grande taille, comme les voitures, ne peuvent pas faire autrement : en produisant localement, ils peuvent réduire les coûts d’importation d’au moins 10 à 20 %. Un scénario gagnant-gagnant. »

3. Ne dirigez jamais votre filiale depuis le siège social

Malgré ses succès chez Renault en Inde, Sudhir Rao a quitté l’entreprise française pour rejoindre le constructeur tchèque Škoda en 2012. « Ce n’est qu’en prenant mes fonctions chez Škoda Inde que j’ai compris les défis qui m’attendaient », témoigne Rao. « Il s’est avéré que le premier directeur régional ne maîtrisait pas la situation, et même si les dirigeants au siège n’étaient pas satisfaits des résultats, ils ne se rendaient pas compte de l’ampleur réelle des problèmes. Lorsqu’ils ont constaté que, entre autres, la confiance des consommateurs avait été gravement entamée, ils ont décidé de transférer tout le contrôle au siège social. »

Rao s’est ainsi retrouvé à la tête d’une entreprise dont l’équipe avait fonctionné sans directeur général pendant quatre ans. « Essayer de diriger une filiale à partir du siège est une erreur fréquente de la part des multinationales », explique Rao.

« Nous prenons parfois la mondialisation un peu trop au pied de la lettre. Ne vous laissez pas berner en pensant que vous pouvez gérer efficacement une filiale depuis le siège par vidéoconférence. L’entreprise fonctionnera uniquement si vous déléguez des responsabilités aux personnes sur le terrain. Elles maîtrisent le mieux la situation et peuvent réagir rapidement aux tendances du marché. L’essentiel est de veiller à mettre en place des mécanismes de contrôle, tels que des audits réguliers, et de s’assurer que tous les responsables évaluent leurs obligations et leurs responsabilités. »

4. Au début, adoptez la microgestion

Sudhir Rao a dû donner un sacré coup de balai. « J’ai découvert des concessions mal organisées, une satisfaction de la clientèle au plus bas et le besoin d’améliorer les profits. Nous avons dû batailler pour mettre en place une équipe transversale et remonter le moral du personnel.En voyant les progrès réalisés par l’entreprise durant dix dernières années, je suis fier d’avoir fait partie de l’équipe qui a construit la nouvelle version de Škoda », déclare l’ancien PDG.

« Grâce à une économie en pleine expansion, la main-d’œuvre indienne recherche généralement une carrière permettant une évolution rapide. Il est donc important que la direction mobilise l’équipe autour des objectifs de l’entreprise et leur explique qu’il faut parfois plus de temps pour obtenir des promotions ou des primes. Pour réussir en Inde les premières années, vous devez veiller à ce que votre équipe locale comprenne la culture de l’entreprise internationale, les normes de production et de qualité, et qu’elle les mette en œuvre jour après jour. En d’autres termes, soyez présent sur le terrain et osez la microgestion. Au bout d’un an, vous pourrez adopter un style de management plus souple. »

Pour réussir en Inde, l’ancien PDG conseille également à tous les sites européens d’accorder une attention particulière à la satisfaction clients. « C’est un facteur de réussite clé en Inde, notamment parce qu’il vous oblige à mettre rapidement en œuvre des ajustements du service ou du produit qui auraient pu être négligés dans le projet initial. Ainsi, chaque siège social doit avoir un accès direct aux retours clients, en particulier dans les premières années, et les contrôler régulièrement. Cela permet d’intervenir et de procéder à des ajustements en temps utile. »

5. Adaptez-vous à l’Inde à tous points de vue

« Avant de vous lancer en Inde, vous devez comprendre comment et dans quel segment de marché votre produit s’intègre le mieux. L’arrivée de Škoda sur le marché a coïncidé presque parfaitement avec le déclin de la marque Opel en Inde. Cela nous a permis de positionner immédiatement Škoda comme une marque de voiture européenne fiable et de haute qualité, à un prix relativement abordable. Le terme luxe utile a été utilisé plus tard pour décrire son positionnement entre le segment de masse et le segment des voitures de luxe », explique M. Rao.

« À l’époque, nous avons réussi à occuper ce créneau avec quatre nouveaux produits. Mais, pour une entreprise, miser sur une niche signifie avoir des attentes raisonnables en termes de parts de marché et de ventes. La stratégie de niche fait le succès d’une entreprise, mais n’en fait pas un leader du marché. » Il cite l’exemple d’Apple, qui sait pertinemment que son produit est cher en Inde et que ses ventes ne seront jamais très élevées. Et la société semble s’en satisfaire, même si elle vient tout juste de commencer à fabriquer en Inde, ce qui pourrait changer la donne ».

Rao a suivi la même feuille de route pour Škoda. « Au départ, nous nous sommes contentés de 1 ou 2 % de part de marché. Cependant, la nouvelle stratégie de la marque est plus ambitieuse et s’appuie sur certains enseignements que l’entreprise a tirés au cours de ses deux décennies d’activité en Inde. »

C’est l’une des leçons les plus importantes que les entreprises européennes devraient prendre à cœur : « En tant qu’une société internationale, vous devez faire preuve de courage et vous adapter au marché indien dans tous les domaines », affirme Rao. « Si vous ne mesurez pas encore les implications pour votre entreprise, parce que vous n’avez fait que vos premiers pas sur le marché indien, commencez modestement. Prenez le temps d’apprendre avant de vous engager dans une forte croissance, c’est la seule façon de réussir. »